C’est par un bec dans le front de mon voisin de lit que je fus réveillée.
Le dortoir de 92 lits donne une proximité assez particulière avec tous ces étrangers. Les lits à deux étages sont collés deux à deux. Alors, l’homme qui a ronflé à côté de moi toute la nuit me donnait un p’tit bec, comme s’il me disait « bon matin chérie ».
Depuis le début de Compostelle, il faut que je dise que je n’aurai jamais vu autant d’hommes dans la soixantaine en bobette.
Donc, pour revenir un peu en arrière, le 19 au matin, je partis du gîte en compagnie de Daniel, l'ami suédois, le levée de soleil au dessus de la montagne fût encore très joli. C’est ce qu’il y a de bien de partir tôt le matin.
Une autre journée de 25 kilomètres et la fatigue qui s’accumulait malgré les muscles qui prennent l’habitude. Puis une mauvaise nuit, mais un gentil couple de Canadiens dans notre chambre.
La journée suivante, la 5e fut difficile, physiquement je n’étais pas là. J’avais le tendon d’achille qui commençait vraiment à faire mal et les sujets qui me revenaient en tête me rendraient triste. Après la trentaine de kilomètres, nous arrivions enfin. Daniel était toujours là.
Pour le souper nous partîmes à la recherche d’une épicerie, heureux de pouvoir cuisiner. Comme nous étions dimanche et que tout était fermé, nous allions au restaurant.
Souper de pèlerins, nous nous joignions à un duo déjà installé. Un français de 76 ans et une femme dans la jeune cinquantaine d’Afrique du Sud. Je fus un peu la traductrice de la soirée, entre le français, l’anglais et l’espagnol, étant la seule qui parlait les trois langues.
Le vieux français nous raconta son premier Compostelle, fait il y a quelques mois, au cours duquel il se cassa le nez, le menton et 3 côtes. Des histoires et des histoires, qui concluaient bien en fin de compte cette terrible journée de pensées tristes.
Le jour 6 j’avais encore le tendon qui me travaillait et la cheville enflée, si bien qu’après 20 kilomètres, je décidai de ne pas faire les 9.8 kilomètres suivants et de profiter de la petite ville de Viana qui semblait offrir l’internet sans fil. Je partageai donc un dernier dîner avec Daniel, qui lui poursuivait son chemin. Je le sentais un peu triste de perdre sa partenaire. J’appris alors qu’il jouait de plusieurs instruments de musique, soudainement, j’avais l’impression qu’il se dévoilait. Finalement, l’internet sans fil ne fonctionnait pas. Mais j’en profitai pour faire du lavage à la machine !! Et non pas à la main !
Et, je retrouvai encore une fois l’homme de 76 ans. Puis au même restaurant, la dame d’Afrique du Sud. Encore une fois, j’étais au centre de la conversation sans y être, car je traduisais ce qui se disait tentant d’inclure les deux autres pèlerins.
Puis les histoires du vieil homme commencèrent à me saouler ! Me parlant comme si j’étais sa fille ou sa protégée, me disant quoi faire ou quoi pas faire de mon camino…
« Heille ! Yo ! Je ne suis certainement que l'on est pas là pour les mêmes raisons ! » Mais je restai polie.
J’eus une deuxième mauvaise nuit… on sentait les barres transversales du lit, sous le matelas… et toute la nuit, j’avais senti une méchante bosse. Telle la princesse au p’tits pois, au matin, je trouvais ce gros marron offert par un pèlerin sur la route, pour protéger les pieds il avait dit. Pour l’instant, ça m’avait offert au mauvais massage !
La cheville encore enflée, et frustrée d’une conversation avec un « maudit » français dans la chambre le matin (désolée amis français- mais c’était un vrai maudit français).
La conversation avait commencé quand je lui ai offert le restant de savon pour la lessive. Comme je savais qu’il entrait à la maison le jour même, je m’étais dit qu’il voulait peut-être prendre le restant de mon savon à lessive… Il en fût presque offusqué ! Lui pour qui le poids de son sac à dos était des plus important ! Jamais il n’irait jusqu’à prendre du savon à lessive !
Ok… c’était assez pour moi, ajouté au souper de la veille ! Woh ! Je pris mon air, que vous connaissez peut-être, mon air baveux (!) pour le reste de la conversation, la Princesse au marron en avait plein son casque des vieux Français!
Je pris la route, le pied encore enflée, me disant :
« Ça va faire ! C’est quoi cette course-là ! À qui le sac le plus léger, à qui marche le plus vite, à qui fait la plus de kilomètres le plus vite , à qui a fait le plus souvent le camino ! »
Je chialai gentiment durant les 10 kilomètres que fut mon parcours pour cette journée. Et quand mon chialage était vraiment à son comble… je mis le pied sur mon lacet, et je tombai en pleine face ! Propulsée par le poids de mon sac !
Un gros bleu sur la cuisse causée par ma gourde, des cailloux dans la main et une petite coupure sur un doigt. Le plus triste, c’est les deux marques que ma chute a laissées sur l’écran de ma caméra.
Bon… Est-ce que c’est ça qu’ils veulent dire quand ils disent que le chemin nous parle ?
Au bout des 10 kilomètres, c’est à Logrono que je passai la journée. L’internet au coin de la rue, la fête du vin dans la ville. J’étais touriste et non plus pèlerine et j’étais bien contente ! Deux heures d’internet, un balade dans la fête du vin, la lecture du livre offert par mon ami François avant mon départ, 2 pintes de bière, des calmars fris, un autre tapas inconnu et des jujubes pour la marche de retour ! Wow ! La fête !
Et, bien, comme si le chemin avait encore quelque chose à dire… je fus malade toute la nuit ! Je vous passe les détails !
Je repris encore une fois la route. Motivée, cette fois-ci des deux petites journées que je venais de passer. J’eus une bonne journée, et j’arrivai, au bout de mes 30 km, dans une « albergue », qui malgré que j’étais couverte de sueur, l’aubergiste, me donna une grosse accolade me souhaitant la bienvenue et la paix. De mon lit, j’avais internet… sans fil! Pour la première fois…ce qui me permit d’échanger quelques mots avec mes amies, Sophie et Brigitte.
À l’heure du souper, j’allai à la cuisine… et quelle fut ma surprise? Le vieux français... je le reconnaissais à peine ! Il s’était fait piquer par une guêpe sur la lèvre supérieure ! Tiens ! Lui aussi le chemin avait eu quelque chose à lui dire !
Je le trouvais encore une fois des plus irritant. Assis en face de nous, un homme de Strasbourg… voila que le vieux français répondait à ma place ! « Vous êtes venue en avion ? » « Non.. .elle travaillait à Paris ! »
« Ha ! bien ça va faire ! » « Mais il se prend pour qui le vieux, me dis-je!? »
Et, comme si ce n'était pas assez, il commenta le fait que je pris un pouding au chocolat et 2 biscuits pour dessert!
Avec mon pied enflé qui me ralentit, je crois… que je risque de le croiser souvent ! Alors, je dois être futée… et trouver le moyen de lui faire ma leçon !
Ce matin, 6hre, les lumières s’ouvrent. C’est le réveil, il n’y a pas de doute. J’ai le pied, encore plus enflé et ça fait mal.
Les aubergistes sont si gentils. Ils ferment à 8hre, je dois quitter… Hervé, celui qui parle français, me demande ce que j’écris…et me demande un peu mon histoire… Sa réponse fut, « mais tu ne pourras pas revenir… »
Je fus touché de leur accolades sincères à mon départ. Et je trouvais un banc pour terminer mon histoire. Un groupe de 20 pèlerins vient de passer devant moi…C’est vraiment populaire cette affaire !
Bon, aujourd’hui, 21 kilomètres, je ne crois pas que mon pied puisse en prendre plus… mais si ça va, je me rendrai jusqu’à 30. On verra…
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